Est-il encore raisonnable de manger du poisson ?

Le 31/01/2023 à 8:00 par La rédaction

Ce 20 janvier, dans le cadre de leur cycle de table ronde « Halieutique et Société », les étudiants en halieutique de l’Institut Agro de Rennes ont organisé un débat sur la pertinence de manger encore du poisson, à l’heure où les impacts de la pêche sont de plus en plus critiqués.

Impact sur la biodiversité, production de gaz à effet de serre, enjeu autour du partage de quotas entre la petite pêche et la pêche hauturière… Autant de critiques qui sont formulé e s contre le secteur. D’un autre côté, la pêche participe à la production alimentaire et au développement des territoires côtiers, et apporte des nutriments indispensables. Marion Fischer, secrétaire générale de France Filière Pêche (FFP), Charles Guirriec, fondateur du poissonnier en ligne Poiscaille, Thomas Lepeltier, philosophe des sciences, et Bastien Sadoul, enseignant-chercheur en aquaculture, ont essayé de trancher le débat.

Sur l’impact carbone de la pêche, Marion Fischer rappelle que « l’ impact d es protéines marines est bien moins important que celui d es protéines terrestres, car elles nécessitent moins d’intrants émetteurs de CO2 , comme les engrais. Mais la décarbonation est indispensable pour des raisons écologiques et économiques, avec un prix du gasoil qui pèse sur la rentabilité. Elle passe par des progrès sur la motorisation, la transition énergétique et la baisse de l’ impact des arts tra î nants  ». D’après Charles Guirriec, Poiscaille est engagé e dans cette transition «  en ne travaillant qu’avec des pêcheurs aux arts dormants et en ne fournissant que de la pêche du jour en circuit court ». Thomas Lepeltier met toutefois en garde : « Manger moins de protéines marines ne doit pas nous conduire à manger plus de protéines terrestres. Pour baisser notre empreinte carbone, il faut arrêter de manger des animaux. »

Concernant la biodiversité, Marion Fischer développe les projets encadrés par FFP : « On travaille avec les pêcheurs sur de nombreuses expérimentations, sur la sélectivité, les engins de fonds… Il faut continuer à diminuer les impacts pour assurer une pêche durable pour les océans et les filières. » Bastien Sadoul rappelle l’influence de l’aquaculture sur l’environnement : « Il existe de nombreux rejets et polluants, et la pêche minotière a un impact , bien qu’on puisse la gérer. » En sa qualité de philosophe, Thomas Lepeltier nous appelle à assumer notre rôle : « Il faut accepter l’idée d’impact de toute production. Si on veut arrêter d’influencer l’environnement, on doit arrêter de manger des animaux. Consommer du poisson n’est pas une nécessité aujourd’hui. » Ce constat n’est pas partagé par Marion Fischer : « L’Anses recommande de manger du poisson deux fois par semaine, et on a besoin de 45 à 60 % de protéines animales dans notre alimentation. »

La question du bien-être animal s’est imposée dans le débat et Thomas Lepeltier explique que les poissons sont capables de ressentir la douleur. Si cela n’est pas remis en cause par les autres intervenants, Charles Guirriec nuance le propos : « La notion de bien-être animal est pour moi très anthropocentrée. Mais c’est une attente des consommateurs. Certains sont émus de cuire un homard vivant ou de consommer du poulpe malgré son intelligence. Mais il faut garder à l’esprit qu’un poisson pêché à vécu toute sa vie en liberté dans son milieu naturel, contrairement à un animal d’élevage. »

En conclusion du débat, la secrétaire générale de FFP en appelle au « respect du vivant » . « La nature nous fournit notre alimentation, mais aussi des biens culturels. Notre attachement à la nature est notre avantage d’humains, mais aussi notre responsabilité. Il faut limiter le gaspillage et nos impacts. » Et Charles Guirriec de compléter : « Des océans en bon état, ce sont des océans productifs. Il ne faut pas oublier les hommes et les femmes derrière les produits. » Pour Marion Fischer, « il est de plus en plus raisonnable de manger du poisson. C’est la protéine animale qui a le moins d’impact , sans oublier la notion de plaisir ».

Vincent SCHUMENG

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