Recruter et former : la filière au défi

Le 29/03/2022 à 14:42 par La rédaction

Métiers peu connus, manque d'attractivité de la filière, nouvelles attentes des jeunes sur le marché du travail, le tout sur fond de crise sanitaire, font que la filière des produits de la mer peine à recruter et former. Poissonnerie, mareyage et grande distribution font tout pour attirer les plus jeunes, et les écoles et centres de formation se mobilisent. Pour quels résultats ? Avec quels leviers d'action ? Comment ramener les jeunes vers les métiers de bouche ?

 

[Les participants]

 

  • Vincent Coatanea – Directeur du centre de formation aux produits de la mer et de la terre à Boulogne-sur-Mer
  • Pierre-Luc Daubigney – Secrétaire général de l’Organisation des poissonniers écailleurs de France.
  • Peter Samson – Secrétaire général de l’Union du mareyage français
  • Laurent Vichard – Directeur marché Marée à Carrefour
  • Audrey Allien – Responsable recrutement opérationnel à Carrefour.
  • Véronick Alba – Chargée de recrutement métiers de bouche à Carrefour.
  • Sylvain Monier – Responsable Formation à Carrefour, en charge de l’école PFT
  • Louis-Laurent Preux – Directeur de projet, en charge des passerelles et prospectives métiers à Carrefour.

PDM – Quels sont les métiers sous tension, et à votre avis pourquoi ?

Vincent Coatanea – Il faut dissocier la production et les métiers de bureau. En ce qui concerne le mareyage, il y a une pénurie de fileteurs et d'ouvriers de marée. Cela peut s'expliquer par plusieurs phénomènes, à commencer par le manque d'attractivité de la filière. Et c'est paradoxal, car les entreprises ont fait beaucoup d'efforts pour diminuer la pénibilité, améliorer l'ergonomie ou les bâtiments. Le métier est moins dur qu'il y a trente ans ! La polyvalence est un autre sujet. Elle est de plus en plus prônée par les TPE et PME. Un opérateur doit par exemple savoir faire des contrôles qualité, car dans le mareyage, les approvisionnements peuvent être aléatoires. Pour les métiers de bureau, le poste de commercial est devenu crucial. Du fait des difficultés de sourcing, il faut désormais parler deux ou trois langues. Enfin, plus des deux tiers des dirigeants d'entreprises de mareyage ont plus de 50 ans, ce qui est très inquiétant pour l'avenir. En ce qui concerne l'industrie, en première transformation, les machines restent simples. Les besoins sont donc peu ou prou les mêmes que dans le mareyage. Dans des usines de seconde transformation, on se dirige vers la robotique, voire la cobotique, et les industriels recherchent des profils plus attirés par l'informatique et le numérique.

 

Peter Samson – Le constat de Vincent Coatanea est sans doute plus vrai à Boulogne qu'ailleurs, car le marché y est très tourné vers l'import. Les 31  métiers du mareyage sont sous tension. Pour rappel, la branche du mareyage est constituée à 60 % d'ouvriers, où la pénurie est particulièrement palpable, en particulier sur le filetage. Mais les métiers du commerce sont également très recherchés. Les marges se construisent à l'achat ! C'est une tendance de fond et très structurelle, ce qui la rend très inquiétante. Depuis le Covid, la situation s'est dégradée sans que l'on puisse très bien l'expliquer, mais ce phénomène inquiète les chefs d'entreprise. Les métiers du mareyage sont mal connus, et souffrent en plus d'une image de métier difficile. Les contraintes sont réelles, comme le froid ou l'humidité, mais il y a aussi de vrais avantages : perspectives de carrière, conditions de travail améliorées. Nos métiers ont du sens.

Pierre-Luc Daubigney – Les mêmes tendances se retrouvent dans la poissonnerie, avec un regain de dynamisme dans l'artisanat depuis deux ans. De nombreux chefs d'entreprise contactent l'Opef pour recruter, mais mettre en adéquation l'offre et la demande n'est pas aisé. La dissémination des poissonneries sur le territoire complique les recrutements. Pour y remédier, nous organisons des formations très localisées sur les côtes. La transmission d'entreprise constitue un autre enjeu majeur. Une étude de 2017 montre que seulement 13 % des chefs d'entreprise âgés de plus de 50 ans connaissent leur repreneur. Certains doivent rester en activité plus longtemps que prévu. Depuis la crise, beaucoup de petites structures traditionnelles et artisanales ont vu le jour : pour celles-là, le cap des trois ans sera crucial. Comme l'amont, nous avons un défaut d'attractivité. Difficile de vendre le métier de poissonnier à un collégien aujourd'hui ! Le recrutement passe par le bouche-à-oreille, les étudiants qui se reconvertissent après un stage, l'atavisme familial, etc. En 2018-2019, on comptait 156 apprentis en poissonnerie pour 8 000 salariés, ce qui est particulièrement faible. L'offre crée aussi sa propre demande, grâce à des centres de formation efficaces comme le CFPMT à Boulogne, mais on manque de relais locaux. En boucherie, les apprenants sont logés pendant les formations, c'est une piste dont nous pourrions nous inspirer.

Véronick Alba – Je crois que les distributeurs ont fait l'erreur de trop miser, pour les chefs de rayons, sur des profils diplômés bac + 5. On a cassé une chaîne d'évolution, avec des seconds de rayons qui n'ont plus de perspectives. Pour les chefs de rayon, un niveau BTS est suffisant à mon avis, avec des profils qui sont plus pratiques et pragmatiques.

Décrouvrez l'intégralité de cette Table ronde dans le numéro 211 de PDM, ou sur ce site, en accès abonné.

  • Facebook
  • Twitter
  • LinkedIn
  • More Networks
Copy link
Powered by Social Snap