« Les Hongkongais sont intransigeants sur la qualité  »

Le 10/10/2019 à 10:33 par La Rédaction

 

Sébastien Hesry,
Directeur de Mesklenn

Les Hongkongais
sont intransigeants
sur la qualité  ”

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Malouin expatrié depuis près de 20 ans à Hong Kong, Sébastien Hesry a lancé sa société d’import de produits frais en 2017. Il commercialise de la viande et des coquillages de producteurs français et compte bien se faire une place sur ce marché très disputé.

Mesklenn  -  250 kg de produits de la mer importés par semaine

 

ZOOM sur Hong Kong

Le pays a importé 375 000 tonnes
de produits de la mer en 2017.

65,5 kg
Consommation de poisson
par habitant, trois fois plus
que la moyenne mondiale.

1 145 t
Volume annuel d’huîtres exporté
par la France vers Hong Kong.

 
Un grand importateur
Hong Kong est un pays grand consommateur de produits
de la mer mais sa production
ne suffit pas à satisfaire la demande.
Les volumes pêchés et produits
par l’aquaculture marine
dans la région équivalent seulement
à 18 % de la consommation
locale de produits de la mer.
En 2018, environ 124 000 tonnes
ont été débarquées, pour
une valeur
de 230 millions d’euros.
La région administrative importe énormément pour combler la demande.

L’huître, reine de l’export
La France a exporté 1 665 tonnes
de produits de la mer à Hong Kong,
pour une valeur de 18 millions d’euros, dont 1 145 tonnes d’huîtres.
Les moules et autres mollusques arrivent loin derrière
avec 183 tonnes exportées.
C’est le 17e pays
de destination pour la France
en termes de valeur,
et le deuxième
pour l’export d’huîtres,
derrière la Chine.

 

 

 

PDM : Pourquoi vous êtes-vous lancé dans l’import de produits frais à Hong Kong ?
Sébastien Hesry : Après 18 ans à travailler dans la mode en Asie, j’ai eu envie de renouer avec mes racines. Mes grands-parents étaient mytiliculteurs, d’abord en Charente, puis dans la baie du mont Saint-Michel. Aujourd’hui mon grand frère, Stéphane, a repris l’exploitation familiale et dirige l’entreprise mytilicole Cap à l’Ouest, au Vivier-sur-Mer, en Ille-et-Vilaine. Je n’avais pas envie de quitter ma ville d’adoption, Hong Kong, et j’ai donc créé Mesklenn, « moules » en breton, en septembre 2017. L’idée était de sélectionner des produits d’artisans à la fois pour la viande et les coquillages, chez des producteurs centrés sur la qualité, pour les faire découvrir aux Hongkongais. Je connais chacun de mes fournisseurs de très longue date, ils m’ont aidé à démarrer et je leur suis fidèle.

Comment avez-vous réussi à percer le marché ?
S.H. : La clientèle hongkongaise est très exigeante. Les habitants mangent facilement hors de leur domicile. Il y a plus de 7 000 restaurants, des cuisines très variées et la gastronomie française est bien représentée. Pour satisfaire la demande, le marché est structuré mais la concurrence est rude. Il faut savoir se différencier, importer de la marchandise d’une qualité irréprochable et avoir une histoire à raconter. Les chefs français composent la majorité de mes clients professionnels. Ils sont sensibles aux produits que je propose, notamment la moule Morisseau, sur laquelle j’ai l’exclusivité et qui possède des propriétés gustatives exceptionnelles. Je travaille également avec des chefs locaux, dans des oyster bars ou seafood bars. Durant ces 20 années passées à Hong Kong, j’ai eu le temps de nouer des relations, mais il n’y a pas de favoritisme ici : il faut assurer le goût, le service et le prix. Je ne souhaite pas être dans la niche du luxe mais plutôt garder un prix raisonnable pour faire partager les produits de mon terroir. L’autre moitié de ma clientèle se compose de particuliers. Au début, j’ai ouvert le catalogue à mon entourage proche, puis, avec le bouche-à-oreille, cela s’est développé et j’ai désormais plusieurs centaines de clients.

Comment se passe la logistique ?
S.H. : Je travaille en flux extrêmement tendu, avec une expédition par semaine. Il faut compter 36 heures entre le moment où la marchandise part de chez mon fournisseur et celui où je la récupère. Je vais chercher les colis à l’aéroport le vendredi matin et je les livre directement chez les clients. La marchandise voyage bien, la fraîcheur est optimale et sans mauvaises surprises. Les volumes varient légèrement : début septembre, c’est assez tranquille, je reçois 300 kg, mais on va vite retrouver une vitesse de croisière à 500 kg par semaine, moitié produits carnés, moitié coquillages. Les commandes des professionnels sont régulières et m’assurent un volume hebdomadaire. Les demandes des particuliers sont variables. Cela dépend des périodes de vacances, avec des pics bien sûr à Noël, au Nouvel An, mais aussi au Nouvel An chinois, pour le solstice d’hiver, et la fête de la lune qui arrive en octobre. L’été a été plutôt calme en raison des manifestations dans le pays.

Les mouvements sociaux impactent-ils directement votre activité ?
S. H. : Oui, on ressent une baisse de fréquentation dans les hôtels et les restaurants depuis le début des manifestations. Aujourd’hui, l’impact reste tout de même limité mais une forte dégradation du climat social pourrait avoir de grosses conséquences sur mon activité et celle de tous les acteurs liés au tourisme. C’est un peu comme les gilets jaunes en France. Cela a eu des conséquences sur le tourisme et donc les fournisseurs de produits alimentaires. D’où l’importance d’exporter pour les producteurs. Ceux qui ne dépendaient pas à 100 % du marché français, en difficulté à ce moment-là, s’en sont mieux sortis. L’export ne permet pas forcément d’augmenter ses marges, je ne crois pas qu’il y ait deux prix de vente différents selon la destination, mais cela offre plus de sécurité au producteur. Il ne met pas tous ses œufs dans le même panier.

De la même manière, est-ce que vous cherchez à agrandir votre marché pour ne plus dépendre à 100 % de Hong Kong ?
S.H. : Nous avons un immense marché juste à côté : la Chine continentale. Tout importateur se doit de le considérer, même si les difficultés pour y accéder sont toutes autres. À Hong Kong, le marché est balisé, l’administratif est simple. Si l’on rentre dans les cases et que l’on fournit les justificatifs demandés, on peut rapidement lancer son activité. En Chine, les formalités administratives sont bien plus compliquées. Cela prend du temps et il y a aussi la barrière de la langue. L’anglais est une des langues officielles à Hong Kong, en Chine ce n’est pas le cas. Je parle chinois, mais pas assez pour valider l’ensemble des démarches. Surtout qu’il ne faut pas se tromper. Le vin français exporté en Chine continentale transite souvent par Hong Kong pour simplifier les démarches administratives, mais pour les produits de la mer, c’est une perte de temps. La durée de vie étant plus courte, il faut les expédier directement en Chine.

Et pour l’approvisionnement, vous songez aussi à une diversification ?
S.H. : On me demande de me diversifier en coquillages, de compléter ma gamme. C’est une vraie attente des professionnels. Après, je n’ai pas la volonté d’avoir un catalogue de 50 pages. Je respecte mes producteurs, ça ne sert à rien d’avoir beaucoup de fournisseurs pour leur prendre de toutes petites quantités. Je préfère construire une relation concrète avec eux et que nous grandissions ensemble. Mais je ne suis pas fermé. C’est important d’apporter de la nouveauté dans l’entreprise, tant que cela correspond à l’image et aux valeurs de Mesklenn. Pour l’instant, j’ai trois fournisseurs d’huîtres, mon frère Stéphane Hesry pour les moules et je propose aussi des palourdes et ormeaux. Après 16 mois d’activité, je peux dire que le démarrage est satisfaisant. L’année est encourageante, il faut maintenant faire prospérer l’entreprise. Dans les développements à venir, disons simplement que j’ai rencontré quelques professionnels spécialisés dans les crustacés lors de mon passage en Bretagne cet été…

Propos recueillis par Guillaume JORIS

 

Exporter, le parcours du combattant des petits producteurs

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Se lancer dans l’export de produits de la mer n’est pas aisé. Les formalités administratives, la logistique et la méconnaissance des marchés étrangers sont autant de facteurs qui peuvent freiner les producteurs, même si la demande est présente.
« Entre les formulaires à remplir et les visites quotidiennes chez le vétérinaire, la logistique nécessaire pour exporter nos produits nous a découragés il y a quelques années », déplore Stéphane Hesry, producteur de moules de bouchot dans la baie du mont Saint-Michel. Le directeur de Cap à l’Ouest était pourtant prêt à exporter sa moule Morisseau, car la demande internationale est présente : « Quand on a vu les efforts à fournir, on a fait machine arrière. C’est très compliqué pour une petite structure comme la nôtre. »
« L’export n’a pas d’intérêt à court terme pour un producteur de moules. Le marché est très porteur en France et la demande surpasse l’offre. Nous misons sur les moyen et long termes. C’est important d’être présent sur de nouveaux marchés, de diversifier son portefeuille », explique Stéphane Hesry. Le mytiliculteur attendra donc la reconversion de son frère Sébastien comme importateur de coquillages à Hong Kong (interview ci-contre), avant de se laisser embarquer dans l’aventure.
« C’est très dur de trouver le bon interlocuteur. Les entreprises engagées à l’export disent qu’il faut deux ou trois ans avant que le marché présente un réel intérêt commercial et il faut avoir l’assurance d’être payé », développe le producteur. Mais même si les échanges restent en famille, les exigences des douanes restent lourdes pour Cap à l’Ouest. Les moules expédiées sont soumises à un contrôle vétérinaire avant chaque envoi, soit une visite hebdomadaire dans le cas de l’entreprise : « Pour 40 kg par semaine, cela demande pas mal de travail. » Le produit reste, lui, le même. Stéphane Hesry envoie ses moules dans des sacs en toile de jute, comme il le ferait pour un poissonnier breton. Seule différence : les agréments sanitaires internationaux qui accompagnent les sacs. « Pour l’instant, nous n’avons pas forcément la volonté d’exporter ailleurs qu’à Hong Kong mais si Sébastien souhaite étendre son activité, on le suivra », conclut le mytiliculteur.

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