Une filière en pleine adaptation

Le 19/06/2025 à 11:30 par La rédaction

Avec la succession des crises de la pêche (plan de sortie de flotte, baisse de quotas, fermeture du golfe de Gascogne…), les volumes débarqués en Bretagne baissent fortement. La filière aval s’adapte et innove pour faire face.

 

« La pêche française voit ses volumes reculer et il y a de très fortes variabilités dans le comportement des espèces », pointe Yves Foëzon, directeur de l’OP Les Pêcheurs de Bretagne. Il cite l’exemple de la sole, victime d’apports en eau douce de moins bonne qualité, la sardine qui diminue en taille ou la langoustine, dont le début de saison est mauvais malgré les mesures de gestion. Le plan de sortie de flotte de 2023 a aussi engendré une rupture dans les captures, la moitié des navires concernés étant bretons. En Bretagne nord, l’OP Cobrenord a vu 6 hauturiers sur 10 sortir. « La criée de Roscoff a perdu en poissons blancs, céphalopodes et en lotte, indique Damien Venzat, directeur. Le volume baisse, ce qui fragilise encore plus le mareyage dont le rôle est de valoriser la pêche. » Pour Guénolé Merveilleux, président de l’Abapp, le bilan est sans appel, « la filière est en crise. Outre la baisse des volumes, l’inflation a fait énormément de mal au mareyage. C’est un métier avec un faible taux de marge et nous nous sommes pris un tsunami de hausses de charges. Cela se répercute sur le prix final et entraîne de la déconsommation ». Jean Besnard, dirigeant de Moulin Marée Lorient, ne cache pas son amertume : « Le plan de sortie de flotte montre le peu de considération pour le mareyage et la filière. »

Comment ramener du volume ?

Pour répondre à la crise, la Région Bretagne a amorcé Breizh’up, un fonds d’investissement privé destiné à financer la construction de 10 navires semi-hauturiers. « Il faut que des armateurs abondent, appelle Daniel Cueff, vice-président de Région à la mer. Mais ils réagissent d’abord au prix du gazole immédiat. Ne pas travailler à l’élaboration d’une flotte décarbonée est une faute politique. » Guénolé Merveilleux soutient cette initiative, « mais ce n’est pas suffisant, l’Europe doit mettre en place un plan d’investissement pour renouveler la flotte et être rentable pour les pêcheurs. Océalliance serait prêt à prendre des parts dans un bateau mais il est difficile qu’un navire neuf soit rentable. »

L’import devient donc une ressource indispensable. Chez Jaffray, mareyeur lorientais, il représente 30 à 40 % de l’activité. « Les produits d’import permettent de soutenir la filière, argumente Éric Guivarch, directeur. Je module mes approvisionnements en fonction de la pêche en Bretagne mais aussi au Danemark ou aux Pays-Bas, où c’est aussi difficile. » Les produits d’élevage deviennent également une alternative. « Nous regardons de plus en plus le saumon et la truite, explique Romain Capet, directeur de Prod Atlantique. Ce sont des approvisionnements sûrs. Nous complétons aussi la gamme poissons blancs par de l’import de lieu noir ou jaune. »

Comment valoriser ?

L’enjeu est également de trouver des débouchés commerciaux dans un marché encore tendu par les problématiques de pouvoir d’achat. Outre la démarche Breizhmer (lire dans PDM no 230, p. 42), les mareyeurs prennent des initiatives : labels, proposition d’une gamme libre-service, exportation… « Ce sont des démarches positives mais il y a nécessité d’avoir du poisson accessible pour tous », plaide Yves Foëzon. « L’avenir du mareyage sera dans la recherche de davantage de valeur ajoutée », selon Romain Capet. Éric Guivarch développe une vision plus large : « Nous devons nous mettre à la place du consommateur. Breizhmer et Pavillon France peuvent porter des messages pour le faire venir vers les produits de la mer. La clé, c’est d’innover et de communiquer. »

Océalliance continue de miser sur l’export, qui pèse 35 % de son chiffre d’affaires. « Il y a un axe de développement en valorisant la qualité et le savoir-faire français à l’étranger », affirme Guénolé Merveilleux, président du groupe. L’Espagne ou l’Italie sortent du lot comme des marchés à fort potentiel.

Une filière attaquée, comment répliquer ?

Tous les acteurs interrogés par PDM reviennent spontanément sur les récentes attaques de Bloom. « La filière se relèvera des crises mais pas de ces attaques », déplore Guénolé Merveilleux. Jean Besnard, dirigeant de Moulin Marée Lorient, se dit « choqué ». « Nous nous efforçons de faire vivre une filière pour nourrir les Français, il y a des hommes et des familles derrière chaque entreprise, je ne m’explique pas cette guerre qui nous est faite. » Yves Foëzon affiche sa colère : « L’effort de pêche et les quotas baissent, nous nous sommes emparés de la durabilité. Il ne faut pas opposer les pêcheurs à la population, ce sont des citoyens comme les autres. »

Sur le long terme, la réponse est dans la communication autour des produits, des métiers, des bonnes pratiques de pêche… « Nous sommes une force nourricière, affirme Éric Guivarch. Il est important que nous soyons davantage connus du grand public et entendus par les pouvoirs publics. »

 

Vincent SCHUMENG

 

Retrouvez l'intégralité du focus Bretagne dans le magazine Produits de la mer n° 231

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