Le CFIA 2025 a accueilli un cycle de conférences autour des seniors : opportunités de marché, comportement en tant que consommateurs, besoins spécifiques… Une série de présentations qui vise à faire comprendre que nos aînés sont (aussi) les consommateurs de demain !
Une cible qui présente des opportunités
Marthe Jewell, du cabinet d’intelligence économique Vitagora, rappelle que les plus de 60 ans représenteront 30 % de la population en 2030 (ils étaient 20 % en 2000). Elle indique d’autres repères : les plus de 65 ans dépensent 49 milliards d’euros dans les achats alimentaires, soit le tiers de l’ensemble des Français, alors qu’ils représentent seulement 28,4 % de la population. « Cela témoigne d’un pouvoir d’achat plus élevé, explique Marthe Jewell. Ce sont eux qui ont le plus contribué à la relance de la consommation en 2024. » Cette population croissante à fort pouvoir d’achat peut donc susciter l’intérêt des professionnels. Pour les produits de la mer spécifiquement, les plus de 65 ans sont les premiers consommateurs (sauf dans la catégorie traiteur).
Les seniors ont cela de spécifique qu’ils « vivent plus longtemps et sont en demande de bien vieillir pour préserver leurs activités et leur cadre de vie. L’alimentation au service de la prévention est un axe majeur d’innovation ». Marthe Jewell distingue trois segments de seniors : les « autonomes » (15 millions de personnes) qui cherchent des aliments qui soutiennent leur cadre de vie et sont sensibles aux arguments santé et environnement, les « fragiles » (4,5 millions) qui sont en demande de produits sains et pratiques et les « dépendants » (1,5 million) qui sont accompagnés par des médecins et/ou des aidants et qui ont besoin de gammes qui s’adaptent à leurs besoins médicaux, avec une grande vigilance sur la nutrition et la sécurité des aliments. Elle note également quatre types de comportement vis-à-vis de la prévention : les « initiés » (18,5 % des 50 ans et plus), les « procrastinateurs » (33,2 %) qui sont conscients de la question sans la mettre totalement en pratique, les « non-conscients » (28,2 %) et les « réfractaires » (20 %, en grande majorité des hommes). « Il s’agit de coupler un positionnement santé avec d’autres valeurs propres aux seniors, recommande Marthe Jewell. Les IAA ont des opportunités avec cette cible mais aussi un rôle à jouer pour répondre aux défis du vieillissement. »
Les seniors, des consommateurs fidèles
« Les 65 ans et plus sont le premier contingent d’acheteurs en GMS. » C’est par ce propos que David Lecomte, de Nielsen IQ, commence sa présentation. En effet, ils représentent 29 % des consommateurs, 28 % des achats UC, 29 % des achats en valeur et 33 % du trafic en magasin. « Les seniors sont également des consommateurs fidèles qui associent le fait de faire ses courses à un plaisir et un acte social. Ils sont fidèles aux enseignes, aux produits et aux marques, aussi bien aux marques nationales qu’aux MDD. Capter un foyer senior est particulièrement intéressant, alors que les plus jeunes sont beaucoup plus volatils. Avec l’allongement de l’espérance de vie, un fort pouvoir d’achat et leur fidélité, c’est une cible d’avenir qui peut permettre de sécuriser des volumes. » C’est également une population qui est plus attentive aux critères nutritionnels et d’origine (54 % sont attentifs à l’origine, soit 29 % de plus que la moyenne nationale), il est donc important d’avoir des étiquettes claires et lisibles. Autre particularité, leur lien « affinitaire » avec la cuisine, qui explique leur attachement aux produits frais et nécessite une adaptation pour répondre à leurs besoins. Pour les produits de la mer, le développement du libre-service frais peut donc aussi attirer cette population, en misant sur une étiquette qui promeut l’origine et les qualités nutritionnelles.
Comment s’adapter à leurs besoins nutritionnels et de bien-être ?
Béatrice de Reynal, nutritionniste pour Nutrimarketing, indique que, d’un point de vue médical, la catégorie « senior » commence à 72 ans. Elle rappelle que l’espérance de vie en France est de 82,3 ans, et 64 ans en bonne santé. « Les seniors sont une population très hétérogène en termes d’autonomie et de rapport à la cuisine. Le marketing doit donc aussi s’adresser à leurs accompagnants. » Avec l’âge, les seniors perdent en masse musculaire au profit de la masse graisseuse et les nutriments sont moins bien assimilés, ce qui entraîne un fort taux de dénutrition dans cette population. Il s’agit de la catégorie qui a le plus haut besoin en protéines (1 g/kg/jour) mais également celle qui est la plus carencée. David Lecomte, chez NielsenIQ, note ainsi que les aliments riches en protéines (viandes, yaourts protéinés…) sont marketés pour une cible jeune et/ou sportive, alors qu’ils sont très adaptés aux seniors en termes de nutrition.
Béatrice de Reynal formule quelques recommandations : « Vous devez innover mais ça ne doit pas se voir ! Les seniors veulent des aliments connus, adaptés à leurs besoins mais qui ne leur rappellent pas leur âge. C’est un des segments où les opportunités d’innovation sont les plus nombreuses et les plus difficiles à saisir. Mais les seniors méritent qu’on prenne soin d’eux, j’ai déjà vu une vraie maltraitance nutritionnelle sur nos aînés. » Ainsi, 38 % des résidents en Ehpad seraient dénutris et 70 % d’entre eux en environnement hospitalier.
C’est tout le sens du travail mené par Camille Renaud, thésarde à l’Adria dans le cadre du projet Nutrichic, en lien avec les Ehpad et hôpitaux de Cornouaille. L’objectif est d’accroître l’appétence des résidents pour qu’ils mangent davantage et apprécient leur repas. Au-delà des aspects de goût, de texture ou de couleur, Camille Renaud souligne surtout que « ce qui a le plus d’effet pour le résident, c’est que le repas soit un moment de partage ».
La problématique de l’emballage
L’emballage est en première ligne, il s’agit de la première interface entre le consommateur et le produit. Il répond à la conservation des aliments mais aussi à des obligations légales. Il donne les informations au client, les enjeux sont donc nombreux pour les seniors : lisibilité des étiquettes, adaptation des packagings à la perte de mobilité, adaptation des portions à un appétit restreint… « Il faut s’appuyer sur les besoins de chacun, des seniors et des personnes en situation de handicap, souligne Christophe Morin, de Pack Agile, qui prône un emballage inclusif. Si l’emballage satisfait les personnes qui ont le plus de contraintes, il satisfera les besoins de la majorité. »
Il indique notamment des conserves à ouverture facile avec un opercule souple (développées par exemple par Eviosys) ou des capsules ergonomiques dites « orbit » pour les bocaux en verre, déjà mobilisées par D’Aucy. Les plus de 65 ans étant les principaux consommateurs de produits de la mer, notamment de conserves et de soupes, il peut être judicieux d’adapter l’emballage à leur perte de mobilité et de force. Christophe Morin assure que ces ouvertures faciles ne posent pas de problème de conservation.
Vincent SCHUMENG