En amont de la 3e Conférence des Nations unies pour l’Océan (Unoc), le pôle halieutique de l’Institut Agro Rennes-Angers a organisé une journée d’échanges, en partenariat avec l’Ifremer et le Muséum national d’histoire naturelle. L’objectif : faire émerger des pistes de réflexion pour la pêche et l’aquaculture de demain, dans le contexte du changement climatique.
« Cet évènement s’inscrit dans l’Année mondiale de l’océan et dans le cadre de l’Unoc, explique en préambule Anne-Lucie Wack, directrice générale de l’Institut Agro. Le partenariat avec le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) et l’Ifremer permet de s’engager dans l’action, en direction des professionnels. » Clara Ulrich, responsable des expertises halieutiques de l’Ifremer, rappelle que l’objectif du centre de recherche est de contribuer à un « océan sain et nourricier. » Côté MNHN, Guillaume Massé explique que l’institution « est tournée vers la conservation de la biodiversité depuis 400 ans, au chevet de son exploration et de sa bonne exploitation ».
En ouverture de la journée, deux conférences scientifiques ont présenté à un amphithéâtre rempli les principaux enjeux du changement global : réchauffement de l’atmosphère et de l’océan, acidification des eaux, vagues de chaleur marines, désoxygénation, surexploitation (38 % à l’échelle mondiale), conséquences sur la biodiversité… et donc sur la pêche et l’aquaculture. Yunne Shin, chercheuse à l’IRD (Institut de recherche pour le développement), a présenté plusieurs projections qui montrent une baisse de la ressource importante autour des tropiques, dont dépendent les pays en voie de développement. Une étude en Méditerranée a permis d’identifier les réactions des professionnels face aux crises (pandémie, prix du gazole, inflation, mesures de gestion, baisse de la ressource, changement climatique). « La pêche se montre toujours flexible face aux crises conjoncturelles et structurelles mais les processus d’apprentissage sont très forts devant les enjeux de long terme », conclut la chercheuse. Fabrice Pernet, de l’Ifremer, rappelle qu’il y a déjà des épisodes d’acidification extrême sur les côtes : 10 % du temps aujourd’hui, 50 % en 2100 dans le scénario « business as usual » du Giec. Dans ce contexte, la production d’huîtres en France pourrait chuter de 40 % en 2100 et la mytiliculture pourrait s’effondrer dès 2050. Le scientifique expose trois pistes d’adaptation : la sélection génétique, le déplacement des productions et la résilience par les cocultures. Il évoque également des pistes de « géo-ingénierie pour utiliser l’océan afin de réduire le carbone atmosphérique » : remettre les coquilles à l’eau, cultiver et enfouir des algues… Mais la principale conclusion des deux interventions est qu’il faut travailler à « une approche holistique des enjeux ».
La journée s’est poursuivie par trois tables rondes (gouvernance, techniques de production et consommation), ainsi que huit ateliers participatifs suivis d’une restitution.
Le pôle halieutique de l’Institut Agro a formé plus de 1 300 ingénieurs en halieutique depuis 55 ans, ce qui représente environ la moitié des cadres de la filière. « C’est un réseau d’excellence sans équivalent pour soutenir la transition de la pêche et de l’aquaculture », affirme fièrement Romain Jeantet, directeur de l’école. La journée a également été l’occasion de célébrer le départ à la retraite de Didier Gascuel, ancien directeur du pôle halieutique et enseignant-chercheur en écologie des pêches à l’Institut Agro pendant près de 40 ans.
Fanny ROUSSELIN-ROUSVOAL et Vincent SCHUMENG