Sébastien Abis, directeur du Club Déméter, est passé maître dans l’art de décentrer les cartes pour mieux… recentrer la réflexion du secteur agroalimentaire sur les enjeux géopolitiques et de sécurité alimentaire. Il s’est penché sur les produits de la mer.
« En matière de puissance politico-économique, nous sommes entrés dans l’ère des hippopotames : féroces, véloces et polygames », prévient Sébastien Abis. Le directeur du club de réflexion sur les questions agricoles et agroalimentaires Déméter compare le réarmement des marines de guerre et la politique alimentaire sur les cartes. Dans un marché mondial où les produits de la mer tiennent le 5e rang des exports, l’océan est apparu comme… une terre d’enjeux. Face à cet « Everest » où il faut « nourrir (une population croissante), réparer (les ressources) et soigner (les vivants, les relations) », il est l’objet de convoitises. Parce qu’il faut boire et qu’on peut le dessaler. Parce que pour commercer, il faut naviguer. Côté produits de la mer, l’Europe, gourmande (plus important acheteur au monde en valeur), apparaît particulièrement vulnérable. La production mondiale d’animaux aquatiques explose (40 millions de tonnes en 1965 ; 190 millions en 2020). L’Europe importe chèrement les espèces qu’elle consomme le plus : salmonidés, crevettes, thons, cabillaud, colin d’Alaska… Le Brexit, dont la phase 2 se négocie jusqu’en 2026, ne fait que renforcer cette fragilité. Les algues apparaissent comme une voie d’avenir, comme l’aquaculture, pour peu que le littoral cesse d’être vu uniquement comme une zone de villégiature.
Marielle MARIE