Les Assises de la pêche et des produits de la mer, organisées par Le Marin et dont PDM est partenaire, se sont déroulées les 18 et 19 septembre. Les débats, certes sur un ton policé, reflétaient cependant une aspiration à avoir une stratégie claire pour la filière. Et vite.
« Faire progresser les enjeux de la filière », c’est la feuille de route qu’a annoncée Frédéric Cuvillier, ancien ministre de la Pêche, lorsqu’il a donné le coup d’envoi des Assises de la pêche et des produits de la mer, organisées par Le Marin, à Boulogne-sur-Mer, ville dont il est maire. D’aucuns, dans la salle, ont rajouté « car il y a urgence ». Urgence à collecter des données pour envisager une réouverture du golfe de Gascogne en 2027. Urgence à répondre aux Anglais sur leurs aires marines protégées. Urgence à négocier un plan de gestion de la Manche avant que la ressource n’arbitre les débats entre pays riverains. Urgence à se mobiliser pour influer sur la future PCP (politique commune des pêches), dont le calendrier est toujours inconnu. Urgence à se battre pour éviter une réduction drastique du Feampa (Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture) envisagée par l’Union européenne.
Urgence surtout de sentir une cohérence de l’État, assise dans la durée, pour permettre aux entreprises de se projeter dans un monde incertain. « Car nous sommes à des carrefours stratégiques », a rappelé Sébastien Abis, directeur du Club Demeter, soulignant ce qu’il estime être « l’impuissance halieutique et aquacole de la France, (…) la plus grande fragilité alimentaire hexagonale » dans ces Assises placées sous le thème de la souveraineté alimentaire. « L’enjeu pour la filière est bien la sécurisation de ses approvisionnements, avec la pêche, l’aquaculture et les imports, a resitué Antoine Le Garrec. Oui, la pêche décline. Au-delà du constat, il faudra bien des actions, une priorisation, une planification », appelant à ce que le contrat stratégique de filière soit assorti d’un calendrier et de « décisions fortes ». Et le directeur général de la division pêche et service du groupe Le Garrec d’ajouter que la PCP a certes permis le rétablissement des stocks mais n’a en rien avancé sur la concorde entre États membres quant à la manière de concevoir la filière. Des dissensions aujourd’hui criantes.
Plus tard, Éric Banel, directeur général des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture, est venu rappeler que ses services ont versé 350 millions d’euros à la filière depuis la crise liée au Covid-19 « en passant [aux yeux de l’État] pour le brigand qui vient dévaliser la banque ». Olivier Le Nézet, devant une Agnès Pannier-Runacher muette, ministre condamnée au silence pour cause de démission du gouvernement, a bien annoncé 12 millions d’euros, avancés sur la taxe éolienne (700 millions promis) pour la modernisation de la flotte, la valorisation des produits, l’amélioration de la sélectivité et des conditions de travail. Mais quand l’enveloppe représente l’équivalent du coût de seulement trois ou quatre bateaux neufs, la bonne nouvelle, certes bienvenue, fait l’effet d’un cataplasme sur une jambe de bois. Le président du CNPMEM (Comité national des pêches maritimes et des élevages marins) l’a promis, le contrat stratégique de filière ne sera pas un énième plan enterré dans un tiroir mais bien un engagement réciproque de réforme par les professionnels et l’État.
Il en faut cependant plus pour restaurer la confiance d’une filière dans l’attente de bases solides. Illustration : les interventions sur la fermeture du golfe de Gascogne, où mareyeurs et pêcheurs ont témoigné de l’efficacité d’aides pour ne pas sombrer… là où ils auraient aimé un État affirmé vent debout pour ne pas « fermer ».
Il y a cependant une urgence sur laquelle la filière, qui refuse de se noyer dans le défaitisme, va devoir s’accorder : la nécessité de faire bloc. La volonté est bien là mais les prises de parole montrent parfois que le chantier est vaste.
Marielle MARIE