Une région façonnée par l’eau

Le 03/06/2025 à 12:15 par La rédaction

720 kilomètres de côtes, estuaires, rives et canaux, 5 fleuves, 26 000 étangs, de vastes marais… : la richesse hydrique de la Nouvelle-Aquitaine a façonné le tissu économique local. Le modèle régional, tant en pêche qu’en aquaculture, conjugue exploitation économique et préservation environnementale. Mais les nouveaux défis ne manquent pas.

S’appuyant sur des ressources aquatiques très variées, les filières pêche et aquaculture occupent une place prépondérante en Nouvelle-Aquitaine. Trois branches distinctes structurent ainsi la pêche régionale : maritime (merlu, sardine, thon germon, sole, seiche, maigre, algues rouges…), estuarienne et en eau douce (alose, crevette blanche, civelle, anguille) et à pied (coques, palourdes, vers marins (appâts), tellines). La pêche maritime domine, avec 13 000 tonnes débarquées en 2024 (83,6 millions d’euros de chiffre d’affaires). Artisanale et polyvalente, elle repose à 76 % sur des navires de moins de 12 mètres utilisant des engins diversifiés avec une domination des arts dormants (filet, palangre).

La filière doit toutefois faire face à des défis complexes et interdépendants. « Nous sommes bien sûr confrontés au défi d’exploiter durablement la ressource, qui elle-même est en constante évolution. Mais au-delà, quand nous réussissons à mettre en place une gestion intelligente des stocks halieutiques – ce qui est le cœur de nos métiers –, nous sommes confrontés aux changements environnementaux, aux évolutions réglementaires, aux mutations économiques et sociales et aux questions d’attractivité de notre filière », analyse Magali Lasserre, secrétaire générale du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) de Nouvelle-Aquitaine. Dans ce contexte difficile, les professionnels misent sur la bonne volonté et sur l’innovation pour pérenniser leur activité en réduisant leur impact environnemental : sélectivité des techniques de pêche, lutte contre la pollution plastique, modernisation énergétique des navires et modernisation des criées (numérisation, gestion des déchets). Toutefois, les efforts ne semblent pas récompensés. « Les pêcheurs ne se sont jamais autant impliqués dans des programmes d’amélioration de connaissances et beaucoup en retiennent que tout ça s’est retourné contre eux. En Nouvelle-Aquitaine, le nombre de contentieux déposés par des ONG a dépassé 80 depuis 2018, avec à la clé des interdictions de pêche dans les estuaires, le golfe de Gascogne et des restrictions supplémentaires sur différentes espèces », regrette Magali Lasserre.

L’autre grand sujet est la qualité des eaux. Si la contamination au norovirus des huîtres du bassin d’Arcachon à Noël 2023 a beaucoup fait parler, les problèmes sanitaires touchent aussi les coquillages de pêche. Plus au sud, le réchauffement des eaux côtières et les problèmes de liga affectent fortement les entreprises. « Il nous faut faire preuve de grandes capacités d’adaptation alors que les contraintes qui se multiplient fragilisent la rentabilité des entreprises déjà affaiblies par la hausse des coûts de production et du carburant, l’entretien des navires, les charges, etc. »

L’aquaculture est également un pilier solide en Nouvelle-Aquitaine. Elle est particulièrement variée : conchyliculture (huîtres, moules) en mer ou en marais ; pisciculture (truites, esturgeons) mais aussi algoculture, pénéiculture ou aquaponie (combinant activités maraîchères et aquaculture). Majoritairement extensifs et locaux, souvent hérités de la tradition, ces systèmes d’élevage bénéficient d’une très bonne image et rayonnent bien au-delà de la région. Tant au niveau national qu’à l’international, certains produits bénéficient d’une grande renommée : huîtres, esturgeon, civelle…

Désireux de valoriser leurs atouts, de nombreux producteurs aquitains se tournent vers les marques collectives et les démarches qualité, comme l’IGP « Huître Marennes Oléron » qui regroupe 50 % du volume commercialisé en Charente-Maritime, la spécialité traditionnelle garantie « Moules de bouchot » ou encore l’IGP « Caviar d’Aquitaine ». Les filières s’engagent également dans des pratiques vertueuses comme la démarche AquaREA (aquaculture respectueuse de l’environnement) ou la réhabilitation des territoires ostréicoles (bassin d’Arcachon, Charente-Maritime) et les certifications Haute Valeur Environnementale (HVE). L’économie circulaire n’est pas oubliée (recyclage des déchets conchylicoles, valorisation des boues piscicoles).

Le fait que le secteur soit très artisanal et dominé par des structures familiales de petite taille est aussi son talon d’Achille. Les exploitations sont fragilisées par l’augmentation des coûts, les aléas sanitaires et climatiques. Elles peinent à attirer les jeunes générations. En Charente-Maritime, 20 % des ostréiculteurs n’ont pas de repreneur (40 % à Arcachon). L’accès au foncier, les conflits d’usage et la complexité des autorisations freinent l’expansion.

Mareyeurs, transformateurs… une trentaine d’entreprises régionales font le lien entre le consommateur et les producteurs de la région. Là encore, il s’agit de petites entreprises artisanales… quand les producteurs ne transforment pas eux-mêmes ! Quelques acteurs importants émaillent toutefois le territoire. Citons ainsi le groupe Aqualande (qui représente à lui seul les deux tiers des truites fumées du marché français) ou encore le groupe Mericq, dont le siège se situe à Estillac.

 

Aurélie CHEYSSIAL

 

Retrouvez l'intégralité du focus Nouvelle-Aquitaine dans le magazine Produits de la mer n°230

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