Covid-19 : la solidarité s’impose face à la crise

Le 04/06/2020 à 10:26 par La Rédaction

 

70 %
du volume « normal » débarqué la semaine 19
(4 au 10 mai) selon FranceAgriMer (en France métropolitaine, comparé aux moyennes
2018-2019).

Sur trois semaines, l’activité s’est stabilisée à
64 %
d’une activité normale.

 

+108 %
La progression du poisson au rayon surgelé en mars. Les clients ont fait du stock ! L’ensemble des rayons traditionnels devaient être rouverts pour fin mai.

Charte
Les distributeurs discutent d’une série d’engagements envers la filière, impliquant une promotion et une bonne visibilité des produits de la mer français, et des prévisions d’achats sur 19 espèces.

 

Première secousse début mars : la fermeture des marchés à l’export, vers l’Italie et l’Espagne. Puis, c’est le choc de l’arrêt, coup sur coup, des restaurants le dimanche 15 mars et des écoles le lendemain, faisant perdre quasiment tout le marché de la restauration commerciale et collective. Une perte encore aggravée par le confinement débuté le 17 mars, mettant près d’un salarié du privé sur deux en chômage partiel. Alors que la pêche débarque enfin de beaux volumes après deux mois chahutés par les tempêtes, cette chute brutale des débouchés fait plonger les prix en criée. Les mécanismes de compensation des organisations de producteurs tiennent à peine une semaine avant d’abandonner les prix planchers. La plupart des bateaux se mettent à l’arrêt, des criées ferment leurs portes : Dunkerque, Roscoff, Royan, Port-La Nouvelle. Quelques mareyeurs aussi.

Après ce choc des premiers jours, les trois quarts des côtiers reprennent peu à peu la mer. Mais à part quelques-uns partant sur des marées courtes, les hauturiers restent à quai, faute de marché. « Nos onze navires sont à l’arrêt, témoignait fin avril Soazig Palmer-Le Gall, qui dirige l’Armement Bigouden. Si on les envoie en mer, le marché va s’écrouler. Il faut qu’aucun maillon ne flanche. » En pêche lointaine, au thon tropical, la relève des équipages, compliquée, attendra mai. La filière s’adapte : criées ouvertes en pointillé, mareyeurs en activité réduite, gestes barrière, distanciation physique, masques tant attendus. Fin avril, France Filière Pêche en fournit 300 000 aux pêcheurs, mareyeurs, criées, transformateurs et poissonniers détaillants. Surtout, les acteurs de la filière se coordonnent de mieux en mieux pour atteindre un fragile équilibre entre offre et demande.

Avec parfois des couacs, comme de la lotte bradée en criée, tandis que des opérateurs en importent d’Écosse. « Du poisson étranger rentre en France chaque jour à des prix dérisoires pour être vendu dans les grandes surfaces alors que les bateaux français restent à quai. C’est inadmissible ! », s’insurge Olivier Le Nézet, président de Breizhmer et du comité des pêches de Bretagne. D’autant qu’en parallèle, les appels aux consommateurs pour soutenir la filière se multiplient, avec en première ligne la grande distribution, devenue le cœur de l’approvisionnement des Français confinés. Les poissonneries souffrent de la raréfaction des places de marché. Pour orienter le consommateur vers les points de vente, des sites se mettent en place, comme Allolamer et la carte Pavillon France (lire page 17), et Mr. Goodfish lance une campagne de promotion. Les maillons se serrent aussi les coudes pour obtenir des aides. « Les mareyeurs et poissonniers ont évité que la pêche s’arrête », défend ainsi le Comité national des pêches pour soutenir les demandes d’aides de l’aval.

Confrontée aux soucis d’approvisionnement, la chaîne de l’alimentation tient et réussit à nourrir la nation tout au long de cette crise sanitaire exceptionnelle. Beaucoup de témoignages insistent sur l’importance de l’humain dans ce succès. Il sera intéressant d’observer comment cela se traduira dans les relations sociales et négociations salariales. Nombre d’employés continuent ainsi de se rendre au travail la « peur au ventre », même si, univers agroalimentaire oblige, les règles d’hygiène font déjà partie du quotidien.

Il faut néanmoins faire face à de profondes réorganisations, remédier aux absences, organiser la distanciation physique, jouer avec les flux irréguliers de la logistique, faire face aux problématiques de conditionnement… La fabrication d’emballages connaît une surchauffe, avec 30 % de commandes en plus, selon l’association Elipso. Les capacités de production destinées aux collectivités sont réorientées vers les produits consommés à domicile. La production d’emballages métalliques frôle la rupture et celle du carton est impactée par le grippage de la chaîne de recyclage.

Les hausses de prix des matières premières, des transports, de la maintenance ou de l’équipement de protection des salariés, augmentent les coûts de production en moyenne de 9 %, constate l’Association nationale des industries alimentaires (Ania). « Plus de 70 % des entreprises affichent une baisse de chiffre d’affaires, supérieure à 50 % dans 22 % des cas. » Les TPE-PME sont les plus impactées.

Pas de pénurie dramatique en grande distribution, mais les fortunes sont diverses selon les rayons. L’Iri observe 25 % de chiffre d’affaires en moins au rayon marée sur les cinq semaines du 16 mars au 26 avril. Au bénéfice de l’épicerie salée, qui compte les conserves de produits de la mer à + 23 %, et des poissons surgelés, à + 72 %. Findus et Thai Union (Petit Navire) appartiennent d’ailleurs au club des grands groupes enregistrant les plus fortes progressions.

La crise accélère aussi les nouveaux modes de consommation, avec 2,4 millions de nouveaux clients online, mais 3,1 millions de moins en hypers pour la grande distribution. Nielsen note la forte croissance du e-commerce, du drive, des magasins de proximité et des marques distributeurs. Des tendances qui s’ancreront à l’avenir ? Demain, producteurs et distributeurs devront répondre aux désirs de qualité, de relocalisation des consommateurs, mais aussi faire face à la baisse inévitable de pouvoir d’achat. Quels seront les arbitrages ?

Dominique GUILLOT et Solène LE ROUX

Retrouvez notre dossier complet et les témoignages de :  Xavier Leduc, Christophe Hamel, Peter Samson, Alexandre Bonneau, Jean Mauviel, Gaëtan de Lamberterie

 

Aides aux entreprises

Aides génériques en France
◗ Dispositif de chômage partiel simplifié et renforcé
◗  Délais de paiement d’échéances sociales et/ou fiscales (report de prélèvements Ursaff, etc.  Au 15 mai : 2 milliards mobilisés)
◗ Prêts garantis par l’État (PGE) jusqu’à trois mois de chiffre d’affaires (300 milliards d’euros disponibles.
Au 15 mai : 43 milliards mobilisés)
◗ Remises d’impôts directes (examen individualisé)
◗ Médiation pour rééchelonner les crédits bancaires
◗ Appui au traitement des litiges clients-fournisseurs
◗ Marchés publics : pas de pénalité de retard
◗ Aide jusqu’à 5 000 euros aux très petites entreprises, via le Fonds de solidarité État-régions (7 milliards programmés, plus de 3 milliards mobilisés au 15 mai)
◗ Plan d’urgence à 4 milliards pour les start-up
◗ Plan de soutien aux entreprises exportatrices
Démarches : Direccte, chambres de commerce et d’industrie
et de l’artisanat, BPI France, ministère de l’Économie…

Plan de relance européen
Financé par de l’émission de dette, dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027, avec du soutien à l’investissement public (hausse des fonds structurels) et privé (renforcement du programme InvestEU).

Aides spécifiques
Pêche. Arrêts temporaires indemnisés. Prise en compte de 30 % du chiffre d’affaires, arrêts de 15 jours minimum, du 12 mars au 31 mai. Financement État-Europe à 25/75, pris sur le Feamp (enveloppe de 300 millions d’euros). Aide au stockage par les organisations de producteurs.
Conchyliculture. Feamp : élargissement de la mesure 55, qui indemnise les suspensions de récolte en cas de contamination des coquillages. Elle compensera une part des pertes du 1er février au 31 décembre.

Aquaculture. Le Comité interprofessionnel de l’aquaculture (Cipa) en attente de réponse sur une aide liée aux assurances pour pertes d’exploitation.

Criées. Soutien public sollicité en commun avec l’Union des Ports français.
Mareyage. Report de prélèvements sur les achats en criée aux adhérents d’associations d’acheteurs, grâce à des prêts octroyés par la BPI. En attente : plan de recapitalisation (estimé à 30 millions d’euros), exonérations de charges, aide liée aux assurances pour pertes d’exploitation.

Transformation. Mesures européennes pour l’agroalimentaire : aide au stockage privé (retrait temporaire des produits du marché durant 2 à 6 mois) ; flexibilité pour les programmes de soutien du marché ; dérogation temporaire aux règles de concurrence (6 mois).

Poissonneries. L’Organisme des poissonniers-écaillers de France (Opef) en attente de réponse sur une aide liée aux assurances pour pertes d’exploitation.

Restauration. Prolongation des mesures génériques, exonérations de charge, annulations de loyers et projet de fonds d’investissement dédié. Extension aux fournisseurs ?

Retrouvez notre dossier complet et les témoignages de :  Xavier Leduc, Christophe Hamel, Peter Samson, Alexandre Bonneau, Jean Mauviel, Gaëtan de Lamberterie

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